Choix politique éducative ‘‘cosmétique’’ pour lutter contre le redoublement en Afrique subsaharienne
''Vous nous avez trahi. J’ai travaillé comme un abruti toute ma vie car sans l’école, je n’avais pas d’autres compétences que celles d’un âne. Mais vous nous avez dit que si j’envoyais mon fils à l’école, sa vie serait différente de la mienne. Pendant cinq (5) ans je l’ai éloigné des travaux de champs et je l’ai envoyé dans votre école. Ce n’est que maintenant que j’ai découvert qu’il a treize (13) ans et qu’il ne savait rien. Sa vie ne sera pas différente, il travaillera comme un abruti, tout comme moi (Pritchett, 2013 :2).
Cette déclaration suscite des interrogations sur l’efficacité des politiques éducatives, l’efficacité pédagogique et l’efficacité des méthodes d’évaluations qui rongent la qualité de développement du système éducatif d’une nation.
Le redoublement est ‘‘une pratique qui consiste à obliger les apprenants qui n’ont pas atteint un certain niveau académique requis pendant les évaluations annuelles à reprendre la même classe’’ (Ndarushuste, 2008 :5).
Cependant, pour les pays francophones, le taux d’échec élevé signifie rigueur et attentes élevées des performances. En revanche, chez les anglophones, le taux d’échec élevé met à nu les tares d’un système éducatif en termes de la pertinence de l’approche pédagogique utilisée en classe et l’inadaptation des politiques éducatives pédagogiques choisies pour répondre aux besoins divers et attentes des apprenants (Eisemon,1997).
L’expression ‘‘Politique éducative’’ est utilisée pour faire référence à un certain nombre de choix fondamentaux qui guident l’éducation (Depover et al.2014 :62).
Par ailleurs, elle est definie comme ‘‘un ensemble de décisions prises par anticipation en vue d’indiquer les attentes de la société vis-à-vis de l’éducation’’ (Any-gbayere 2006:18).
Le développement d’une nation est lié au choix effectif des théories et contextes de développement utilisés par son système éducatif. Cependant, lorsqu’une politique éducative n’est pas fondée sur des bases de données de recherche fiables, elle empreinte une trajectoire de développement ‘‘cosmétique’’(non durable).
Par exemple, pour lutter contre le redoublement, les pays comme la Côte d’Ivoire et le Gabon ont mis l’accent sur la réduction des coefficients de matières en prêtant peu d’attention aux divers besoins spécifiques des apprenants tels que les autistes, les dyslexiques, les apprenants lents et les styles d’apprentissages. Il est évident que, s’il n’ya pas de soutien pour ces apprenants, réduire les coefficients ou les obliger à redoubler semble être un gaspillage des fonds publics. Cela contribue aussi à l’augumentation de la taille des classes (Ndaruhuste, 2008).
Dans cette perspective, Tomlison (1996) souligne que, l’école devrait adopter un apprentissage inclusif en veillant à ce que tous les apprenants soient en mesure de réaliser leur plein potentiel dans l’application de l’approche d’égalité et d'équité pendant le processus de l’apprentissage.
L’égalité favorise la justice en donnant aux apprenants les mêmes opportunités. En revanche, l’équité consiste à garantir que les apprenants aient accès aux mêmes opportunités, mais parfois leurs difficultés en matière d’apprentissage peuvent créer des obstacles pendant le processus d’apprentissage.
D'autre part, il y a des apprenants qui ont des lacunes temporaires et ceux-ci pourraient être assistés en mettant en place une ‘’ intervention ciblée à court terme’’(Wearmouth, 2012). L’intervention ciblée à court terme permet aux apprenants qui ont des lacunes temporaires à les remonter rapidement lorsqu’une aide appropriée leur est apportée.
Un autre input important à souligner est la voix des redoublants sur leur parcours scolaire. Cette voix est méconnue du public, des inspecteurs d’écoles et des décideurs politiques. Ces observations rejoignent la conclusion de Trocin (2003) qui montre que dans les pays en développement, un tiers des redoublants affirme que le sujet concernant le redoublement est rarement abordé à l’école entre les apprenants, les enseignants et les inspecteurs des écoles.
Cependant, Lambert et al (2000) observent que l’on peut apprendre beaucoup sur les préoccupations des redoublants simplement en leur parlant. Le rapport de cette conversation peut être utilisé comme base de données factuelles pour prendre des décisions éclairées pour une politique éducative de développement durable.Malheureusement, la politique des classes pléthoriques ne permet pas aux enseignants d'accomplir cette tâche noble.Pour Weber (2010), le maintien de la taille pléthorique des classes touche deux préoccuations majeures
*Premièrement, la réduction de la taille des classes coûte chère et absorbe des fonds publics.
*Deuxièmement, le maintien de la taille pléthorique des classes exige le recrutement de plus d’enseignants peu qualifiés, qui a un impact négatif sur les résultats scolaires des apprenants.
Pour conclure,le redoublement peut conduire à l’exclusion ou à l’abandon scolaire et entraîner des conséquences sur la vie adulte de l’apprenant. Par exemple, un apprenant qui quitte l’éducation sans avoir acquis les compétences de base nécessaire pourrait être vulnérable à l’intégration sociale en termes d’employabilité. En revanche, la politique du redoublement ne s’inscrit pas dans l’application et la logique de l’Éducation Pour Tous ‘‘EPT’’.
Références
Any-Gbayere(2006) politique éducative et développement en Afrique, Le Harmattan
Depover, C et al.(2014) Quelle cohérence pour l’éducation en Afrique, de Boeck
Eisemon, O (1997) Reducing repetition: Issues and Strategies, UNESCO
Lambert et al (2000) Understanding assessment, Purposes,Perception and Practice , Routledge
Ndaruhuste, S (2008) Grade repetition in Primary school in Subsaharan Africa : An evidence base for learning, CfBL
Pritchett,L (2013) The rebirth of education, Centre for Global Developement
Tomlison (1996) Inclusive Learning ; Principles and Recommendation
Trocin (2004) Redoublement en cours Préparatoire Séminaire Interne de IREDU